Bonjour « L’équipe
tryo.com« ,
Avec un peu de retard : hier j’avais quelques pavés à user. 😉
Je suis désolé : je ne voulais pas partir dans un débat pour/contre la Loi HADOPI, je souhaitais juste savoir si :
– Le groupe Tryo avait effectivement signé cette pétition ?
– Le groupe Tryo soutenait, comme l’affirme cette pétition, la Loi HADOPI et demandait à la représentation nationale de l’adopter ?
Je débattrais volontiers du texte mais serons-nous capables de débattre sereinement ou juste de nous envoyer des affirmations contradictoires et parfois caricaturales ? Vous trouverez ci-dessous quelques réponses à vos premières affirmations. J’espère qu’elles ne feront pas obstacle à la transmission aux membres du groupe de mes interrogations ci-dessus.
Très amicalement,
Johan.
PS: Je ne suis pas contre la protection des oeuvres car, entre autres, je ne souhaite pas que n’importe qui puisse faire n’importe quoi avec mes propres créations. Je cherche juste une façon efficace de les protéger tout en protégeant aussi le public et la liberté.
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« La loi Hadopi ne s’oppose pas à la libre circulation des fichiers libres. de droit. »
Pas frontalement c’est certain, c’est par contre un dégât collatéral qui a été complètement négligé dans le choix des moyens d’action mis en œuvre :
La Loi HADOPI prévoit comme moyen de lutte contre la contrefaçon, ou plutôt de prouver son innocence, le verrouillage complet du P2P (très judicieux, à l’heure où l’on ne télécharge quasiment plus ni films ni musique en P2P) par l’installation de logiciels labellisés (cahier des charges ? financement ? « risque » de corruption ?) fermant les ports de connexions utilisés par les logiciels de P2P. Les statistiques d’usage du P2P sont en baisse constante depuis plus d’un an.
Les fichiers libres de droits bénéficient énormément de cette technologie sans laquelle celui qui souhaite mettre son travail à disposition doit trouver un financement pour assurer la disponibilité de ses fichiers. Je mets moi-même un peu de mes créations en ligne (Créative Common) grâce à une offre payante mais le coût de diffusion de gros fichiers ou de fichiers très sollicités n’est pas supportable par celui qui mets gratuitement son contenu à disposition. Aujourd’hui je n’ai pas de moyen de faire du streaming autre qu’en P2P, avec mon contenu ou du contenu libre. Je partage d’ailleurs gratuitement à cet instant précis plus de 50 Go de contenu libre de droits (GPL, Créative common) quand mon hébergement payant ne me permet pas d’en stocker le 10ième.
La Loi HADOPI n’est pas faite pour gêner la diffusion des contenus libres de droit, mais en faisant l’amalgame entre plate forme de P2P et viol du droit d’auteur elle se trompe de cible et nuit à un mode diffusion basé sur le partage. Plutôt que de lutter contre le viol du droit d’auteur, elle lutte contre le partage, ce en quoi elle est fidèle à l’orientation politique du gouvernement qui en est l’auteur.
Concernant l’utilisation des systèmes d’exploitation libres, les amendements prévoyant la portabilité et la publication des sources des logiciels « troyens » labellisés ont été refusés. Ils sont donc de fait ontologiquement incompatibles avec un environnement libre.
Je dispose, sur mon réseau personnel, de sauvegardes de fichiers tout à fait privés et confidentiels. Il est hors de question qu’un logiciel dont les sources n’ont pas été publiées tourne sur mes machines. Si je n’ai pas installé le fameux « troyen » labellisé HADOPI, je n’ai plus de moyens « homologués » pour prouver avoir suffisamment sécurisé ma ligne et n’avoir pas téléchargé d’oeuvres protégées.
Qui va devoir investir dans le dévelopement et la labellisation d’un logiciel open-source de bridage et de contrôle à distance ?
Quand à fournir « mon » disque dur…j’aimerais bien que l’on me précise combien je devrais en fournir…tout mon réseau ? Mon serveur ? Mes stations de travail ? Mes PDAs ? Mon routeur ? Mon imprimante ? Qu’en sera-t-il de mes machines virtuelles ? Comment vais-je pouvoir assurer la disponibilité de mes fichiers si mon équipement doit être saisi pour prouver mon innocence quand « thepiratebay » ou n’importe quel farceur aura publié une liste tirée au hasard comportant les 4 numéros qu’on appelle mon IP ?
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« Elle n’est pas parfaite mais pour la première fois, elle ne risque pas de mettre des gens en prison ou d’infliger d’énormes amendes. »
C’est faux, les sanctions prononcées par l’HADOPI ne se substituent pas aux procédures pénales. L’explosion du nombre de constations (1000/jours selon les prévisions officielles) amèneront forcément plus de gens devant les tribunaux, même si les traitements judiciaires ont davantage de chances de ne concerner que les plus gros abuseurs. En comparaison aujourd’hui quasiment personne ne passe au tribunal et ne va en prison pour avoir partagé…
La Loi HADOPI n’abroge aucun des dispositifs prévus précédemment, elle crée juste un nouveau délit de « non protection de son accès internet » permettant d’inventer la responsabilité du fait d’autrui. Si autrui pirate ma connexion pour télécharger du contenu protégé, c’est mon abonnement qui sera suspendu, pas le sien car c’est de ma responsabilité, je suis le titulaire de l’IP attachée à l’abonnement. Et celà est incontestable, c’est la force de ce projet de Loi : à défaut de trouver le coupable, elle trouvera toujours quelqu’un à sanctionner.
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« Elle est loin d’être parfaite mais c’est le moins pire qu’on nous ai proposé. »
Elle marche à reculons.
Elle veut maintenir en place un système obsolète à la seule fin de garantir les montages financiers des éditeurs et distributeurs.
Beaumarchais à révolutionné la création en la dotant d’un « droit » pour la protéger de la matérialisation (imprimerie), ce droit s’est révélé assez bien adapté pendant toute l’histoire de la matérialisation de la création, après l’imprimerie est venu l’enregistrement audio, puis le cinéma.
Ensuite il a commencé à montrer ses limites avec la radiodiffusion, première forme de dématérialisation (plus de support physique pour transporter l’oeuvre), et les conflits autour des radio libres dans les années 70. Avec quelques patchs elle a pu protéger encore un peu la création et la rémunération des artistes, mais bien moins que la rémunération du contenant.
Le modèle économique induit par la matérialisation de la culture impose une rémunération de l’auteur par le commerce du contenant (le support physique, le packaging, la com). Le contenu (l’œuvre écrite, sonore, visuelle) ne se valorise plus qu’a travers son contenant (livre, CD, DVD). Mais l’ère du contenant est dépassée.
Internet et un réseau mondial ou diffuseur et auditeur traitent de pair à pair, ce qui favorise le partage des moyens et contributions nécessaires à la diffusion (serveur perso, P2P), il est urgent d’inventer un nouveau mode de protection et de
rémunération de la création. Un modèle économique en phase avec la dématérialisation de la richesse culturelle.
La disparition du contenant, diminue le coût pour le public, laisse une plus grande marge pour la rémunération de l’artiste et force l’industrie à se transformer si elle veut/doit survivre (syndrome du maréchal ferrant).
Un nouveau moyen de maintenir une situation injuste ne peut jamais être considéré comme « moins pire » puisqu’il permet de perpétuer un système qui devrait disparaître au plus vite, un système qui rémunère mieux le fabriquant/distributeur de contenant que l’auteur du contenu.
Elle institue un fichage supplémentaire aux mains d’acteurs privés.
Elle privatise la recherche de la preuve (sociétés d’ayants droit ou société privées mandattées par elles) ce qui impose des besoins de rentabilité, d’où des concession à attendre sur la qualité des procédures.
Elle instaure comme preuve une donnée très facilement falsifiable : l’adresse IP, j’attends avec impatience les messages d’avertissements adressés à des ayants droits, des ministères, des sites d’artistes ou des imprimantes en réseau.
Les techniques actuellement en vogue au niveau du téléchargement illégal d’oeuvres protégées ne sont pas du tout concernées par la Loi HADOPI, rien sur les newsgroups, rapidshare et mégauploads entre autres…ces techniques ainsi que le P2P crypté et décentralisé assurent à cette loi d’être aussi inefficace que dangereuse et liberticide.
Avec l’augmentation des débits disponibles, de nombreux titulaires d’accès commençaient à partager non pas des fichiers mais leur connexion, un routeur WiFi d’occasion dans la DMZ et il devient possible laisser un bout de sa connexion en accès libre. Ce geste solidaire est très pratique pour celui de passage qui veut lire ses mails ou en envoyer sans avoir besoin de payer un abonnement « 3G ». Après HADOPI cette pratique sera de fait illégale puisqu’elle consiste à laisser volontairement sa(une) connexion non sécurisée. Voilà comment une mauvaise et inefficace protection du droit d’auteur peut tuer une initiative solidaire. Un ami me répondait il y a peu à propos de son WiFi non sécurisé : « si ça me coute pas plus cher et que ça permet à un pauvre gus d’avoir internet »…j’ai du lui répondre « avec les nouvelles lois soutenues par les artistes tu n’aura plus le droit de laisser les gens utiliser ce que tu les laisse prendre sans que ça te coute plus cher », il m’ a répondu fort judicieusement « c’est con »…
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« en cas d’injustice (il est clair que cela arrivera) il sera toujours possible de saisir facilement et gratuitement un juge de proximité. »
La loi HADOPI utilise le même principe de présomption de culpabilité que les radars automatiques, il s’agit exactement du même modèle de sanction : contrôle automatisé (à ceci près que l’identification par l’IP est infiniment moins fiable que celle par la plaque d’immatriculation du véhicule), intervention humaine minimale, magistrats tamponneurs à la chaine (8 magistrats pour 1000 actions par jour si mes souvenirs sont exacts), le titulaire de l’abonnement remplaçant celui de la carte grise…vous avez déjà essayé de contester un PV de radar automatique ?
Les moyens prévus par la Loi de prouver son innocence (la présomption d’innocence est pourtant généralement considérée comme un fondement de la démocratie) ne sont ni fiables (IP), ni accessibles à tout les utilisateurs (notamment d’OS libre et/ou un peu exotiques).
Quand au blocage des ports de communication utilisés par les logiciels de P2P on a vu qu’il n’était pas la solution non plus car il gène la diffusion de contenu libre en plus de ne pas être efficace.
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« Et rappelons, qu’avant la sanction extrême de la suppression de la ligne, de nombreux avertissement permettront à l’internaute de soit se mettre en conformité avec la loi, soit faire valoir sa bonne foi en cas de contestation. »